Sick-Ass


Sick-Ass

Mon père, ce grand producteur de comédies musicales, était toujours en déplacement. Toujours à courir après les nanas. A vrai dire, c’était l’inverse, son pouvoir les attirait comme des mouches à merde. Ces filles étaient prêtes à tout pour être engagées dans l’une de ses tournées. Il nous a balayés de sa vie. Sa queue et ses couilles étaient sa seule famille. Maman était prête à partir, à tout plaquer. Mais du jour au lendemain, sans crier gare, elle est morte d’un coup, comme ça. Physiquement, toutes ces histoires de tromperie l’avaient fortement affaiblie.  Les médecins ont avancé une crise cardiaque. Pas étonnant ! Ouais. La cause du décès était mon père. Il a usée ma mère. Son cœur a lâché ! Dès ce moment, moi aussi, j’étais mort, vidé de tous sentiments. Je l’aurais tué, ce salaud ! A quoi bon, maman ne serait quand même revenue pour autant.

Mon père a été obligé de me prendre entièrement à sa charge. Rongé par le remord. Il a fait de son mieux, il souhaitait réellement construire une relation saine entre nous. Ce qui était impossible. J’avais beau le repousser, il ne m’a quand même plus jamais lâché. J'étais encore un gamin à l'époque et mon vieux me trainait partout avec lui, dans ces soirées mondaines, où chaque personne étale sa vie avec fierté, sans jamais se soucier des autres. C’est un peu la parade du plus riche. La plus grosse fortune, la plus grande gueule rafle la mise devant des congénères déçus de ne pas posséder autant.

Sur les chemins de la luxure, moi aussi, j’ai failli m’égarer ! Heureusement,  je m’en suis vite lassé. C'était toujours la même chose, toujours la même routine : fiesta-beuverie-filles, encore et encore et encore... Un cercle vicieux suintant l'oisiveté. Un cercle vicieux de riches, OK,  mais un cercle vicieux quand même ! J'en avais tellement marre de claquer du pognon, qu'un jour j'ai dit "Adieu" à mon vieux et j'ai claqué la porte. Il me fallait un but. Un combat à mener.

Et ce but, je l'ai trouvé comme ça, sans m'y attendre ! Une putain d'idée ! Je regardais "Batman" à la télévision, dans l’appart que je m’étais payé avec le petit magot que j’avais piqué à mon père. Le personnage ne ressemblait pas à l’idée du super-héros portant des collants flashy, que je m’étais faite. Batman avait ce côté sombre, désabusé, un gars jetant toutes ses forces dans un monde rongé par la noirceur. Face à des criminels d’une rare violence, il arrivait toujours à gagner. Il s’en sortait dans un sale état. Mais il s’en sortait. Une question avait bousculé mon esprit : « Tu restes là, passivement, à regarder les injustices comme tout le monde le fait, ou tu interviens ? »

Le lendemain, j’apprenais le décès de mon père. Je touchais mon héritage. J’étais devenu orphelin. Comme Bruce Wayne. Comme Batman ! A un détail près, je ne pleurais que sur la tombe de ma mère.

La vengeance ne m’animait pas. J’étais serein. Je ne me voilais pas la face. Débarrassé de mon père, les poches pleines de frics, je pouvais faire ce que je voulais. Le boulet que je trainais avait disparu. J’avais l’occasion de prendre le contrôle de ma vie. Cette idée folle de super-héros m’animait plus que jamais ! Il fallait que je le fasse coûte que coûte. Je voulais me sentir vivre. En gérant ma fortune correctement, je pouvais vivre plusieurs vies paisiblement.

Je m’étais jeté à cent pour cent dans un plan alimentaire, qui était le pilier de ma réussite. Un corps sans énergie ne peut progresser. J’ai supprimé les graisses au profit d’une très grande quantité de protéines. Après quelques jours, les effets s’étaient déjà fait sentir. J’avais la pêche ! Je m’étais payé l’anthologie de Batman. Il y était expliqué ses méthodes d’entrainement, ses programmes diététiques, ses gadgets, sa vie tout entière. Cet ouvrage est vite devenu mon livre de chevet. 

Je me donnais à fond. Plus je m’entrainais, plus j’étais confiant. L’investissement ne s’arrêtait pas à mon physique. Non. J’ai acheté une voiture de sport noire et quelques gadgets que j’ai améliorés. Tout mon attirail était disposé à la cave.

Tout doucement, j’ai commencé à patrouiller au hasard dans les rues, bien planqué dans mon costume tout neuf. Un drôle de sentiment m’envahissait, ce costume me rendait-il ridicule ? L’entrainement poussé n’avait pas fait de moi une machine de guerre. J’étais pas une crevette, sûr. J’étais pas un athlète non plus. Faire peur à l’ennemi, le rendre fébrile. Ça te  rend crédible dès le départ. Le gars sait qu’il va passer un sale quart d’heure.

Je suis resté un certain temps à errer dans les rues, sans jamais intervenir. J'avais déjà vu quelques attaques mais n'avais jamais eu les couilles de rentrer dans le tas. Vous avez déjà vu des gens se faire agresser ? Moi oui ! Et je peux vous assurer que quand trois mecs tombent sur un type, c'est pas pour lui faire des chatouilles ! J'avais la trouille, putain ! A part ce très gros détail, tout allait comme sur des roulettes.

Plus d'un an entrainement, de cogitations, il fallait que ça cesse. J'étais gonflé à bloc. Un cocktail explosif de pilules de taurine, de boissons énergisantes, et d’alcool, m’a aidé à outrepasser ce sentiment de peur. La retenue s’était envolée. J’avais envie de cogner. J'arpentais les rues depuis trop longtemps. Toutes les frustrations s’étaient transcendées en rage, en énergie guerrière. 

Début de soirée. Je me trouve sur le trottoir. Les bras croisés, je fais le guet. Subitement, juste devant moi, la chance de ma vie se présente. Une petite vieille se fait agresser par trois jeunes loubards !  Je me frotte le nez. La pression monte. Je sens mon cœur battre dans mes tempes. C'est dans mes cordes! Maintenant ou jamais. Je deviens un héros où je reste une fiotte toute ma vie.  Rien à foutre, je rentre dans le lard, je vais prouver ce que je vaux. Les muscles gonflés à bloc, je lance mon boomerang à la face de l'une des enflures. Paf, mon tire fait mouche. La petite frappe tombe comme un vulgaire sac de pommes de terre. Les deux autres malfrats restent de marbre. Ils se tournent dans ma direction, lèvent la tête, me pointent du doigt. L’un d’eux crie :

-          Hé,  le nabot ! On va te niquer ta race de sale bâtard !

Mon sang bout. Je tente de rétorquer mais tout ce qui sort de ma bouche est un cri de rage. Le poing levé, je me précipite comme un fou furieux. Je traverse le chemin et ce qui devait arriver, arriva. 

4 commentaires:

  1. Sympathique, surtout les mots en bleu...
    Vivement la suite s'il doit y en avoir une !

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  2. Mots en bleu ?

    Pas vraiment de suite. Quoi que...

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    1. Certaines lettres et mots apparaissent en caractères bleus... Je croyais que c'était genre un jeu de piste quoi !!
      Ah Montyshow quelle désillusion je viens de vivre...

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  3. Haha, le truc est bugué alors.Je vois rien moi. Pour la suite, c'est pas prévu, mais ce texte sera enrichi de petites illustrations. Il paraîtra dans un magazine que nous présenterons et dédicacerons au salon de la BD de Pont-à-Celles, le 17 novembre. J'essaierai de pas frapper les gens qui y seront, promis.

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Attention à toi, les écureuils qui disent des conneries. Je les bouffe comme des chips bien croquants !