Making-off (1er chapitre de mon bouquin t'as vu le privilège). Le débarquement foirant


Ma condition d'Homme fait de moi, tout naturellement, un con. Je pourrais étendre ce concept à tout le monde. Bien qu'il faille toujours nuancer et développer ces propos. J'irais quand même au plus court. Je dirais donc que certain sont plus ou moins cons que d'autres. Tu as le haut, le moyen et le bas-de-gamme. Si la poisse est un signe de connerie, je serais catégorisé haut-de-gamme. Soit. La vie n'est en aucun point parfaite. J'avais chopé ce boulot de journaleux un peu par hasard. La friterie du village, notre baraque à frites avait fermé ses portes. La crise ainsi que le cours grimpant de la pomme de terre avait donné un sale coup à notre affaire familiale. Sans parler de la multi-nationale américaine de l’hamburger, nouvellement implantée à une petite vingtaine de kilomètres du village, qui nous poussa dans le précipice.

Déjà par terre, notre entreprise fut définitivement enterrée par ce client gras comme une bouteille d'huile d'olive pleine. Non-content de la qualité des produits proposés par notre petite entreprise familiale, il nous sabota de vile manière. Il n'eut aucun respect à notre égard. Ce malotru s’était rendu dans notre établissement avec un seul but, non avoué. Il voulait nous mettre sur la paille. Le nouveau concept mis en place par moi-même, ne devait pas plaire à tout le monde. L’instrument du diable était en quête d’une nouvelle victime. Encore une fois, cela tombait sur mère et moi. Pourtant, Dieu sait combien nous avions déjà payé. Nous n’avions pas été épargnés dans le passé. Ma mission était de remettre notre affaire sur pied. Ce qui aurait sans aucuns doutes fonctionné. Si le petit chauve empaqueté dans son costard cravate bleu métallique ne s’en était pas mêler. Il était le premier client de la soirée. Il suintait le rance, le renfermé, la pourriture. Ayant un odorat assez prononcé, je fus importuné dès son arrivée. Un phacochère sur pieds. Il devait probablement habiter dans une décharge. Pire, une fosse commune. Je n’ai pas pour habitude de refuser l’hospitalité à un client, aussi dégoutant soit-il. Ne voulant pas passer pour un rustre, je pris une grande bouchée d’air frais. Et bloqua ma respiration. Il arriva au comptoir. Regarda de haut en bas. Son nez proéminant était garni d’une impressionnante masse de poils. Des narines touffues comme jamais je n’en avais vues. Savait-il respirer ? En tous les cas, moi, plus. Je me dégonflais tel un pneu cisaillé. Les yeux écarquillés, il me fixa. Je toussai pour feinter un mal de gorge.

-         Quel froid. Ce satané hiver n’en finira donc jamais !?
-         Taisez-vous sombre idiot. Qu’avez-vous donc à servir dans ce taudis malfamé ?

Je n’en crus pas mes oreilles. Cette personne venait de me parler comme à un chien. L’air salit, par les effluves de l’individu, se propageait dans mes poumons vides. Ils se remplirent à nouveau. L’odeur nauséabonde me fit chavirer. Pris de spasmes vomitifs. Brusquement je me baissais.  Entièrement caché derrière le comptoir. Je crus vomir. Heureusement rien ne sortit de ma bouche. Désarçonné par l’individu, encore une fois, je feintais une bêtise pour justifier mon comportement. Ce qui n’arrangea pas les choses. Bien au contraire.

-         Mon stylo m’a échappé des mains. Parfois, je suis maladroit. Bref, que puis-je vous servir ?
-         Je n’attends, pas moins, du demi-demeuré que vous êtes, la meilleure de vos mauvaises conceptions.
-         Donc ?
-         Sombre idiot. Je viens de vous le dire ! Peu m’importe, amenez-moi le meilleur de votre bouffe pour chien. Je m’en accommoderai tant bien que mal. Mon ventre bedonnant dû à la prise d’aliments de piètre qualité, élaborés par les sociétés capitalistes ne peut pas plus mal se porter qu’à cet instant.

Il fallait rester serein face à cet ignoble individu. Le servir calmement. Eviter toute bavure. Une fois repus, il serait partit heureux.  Et moi, je serais heureux qu’il  soit parti.

-         Un Monti Burger, un !




Pourtant, je lui avais servi avec un amour incommensurable, la spécialité maison. Le pain-frite façon Monti. Une énorme baguette fraiche et dorée, emplie de mie bien tassée que je coupais à l'horizontale avec un soin tout particulier. Trois hamburgers tranchés en deux et cuits à points y étaient insérés. Par-dessus, quatre louche de frites croquantes et fermes, coupées à la main et fournies par le fermier du village furent déposées. J'arrosais le tout de sauce orangée faite maison. Moi seul possède le secret de cette onctueuse source d'énergie lipidique. Pour équilibrer le tout, j'ajoutais quelques verdures çà et là, tranches d'oignons, fenouil, betterave, navet. Et le Monti Burger était prêt. Coloré, chaud, sucré-salé. Un doux fumet de viande grillée et épicée émanait de la mitraillette. Toujours au service, le plus irréprochable pour mes clients, je m’employais à utiliser les ingrédients les plus sains. Notre établissement se voulait être la gastronomie de la frite. Je voulais élever notre cuisine, dite la malbouffe,  au rang des plus grands restaurants étoilés. Une main dans le dos, le plateau dans l’autre, serviette blanche impeccablement repassée sur l’avant-bras, un tablier d’une propreté exemplaire et, coiffé de ma plus belle toque, je partis servir le client. Son impatience était visible, il tapait nerveusement du pied. Les couverts argentés en mains, il était prêt pour l’expérience low-food.

-         Vous n’êtes pas un rapide, vous ! Une demi-heure que j’attends !
-         La qualité mérite patience et attente. Je ne puis concevoir un travail fait à la va vite, monsieur.
-         Mouais, vous croyez-vous au Ritz ? Fast-food, connaissez-vous l’Anglais ?
-         La langue anglo-saxonne est aisément compréhensible. Je regarde assez bien de série américaine que pour le savoir. Soit. Voici, votre Monti-burger sur son lit d……accompagné de son….Je vous souhaite bon appétit.
-         C’est ça, du ballet, taré.

Quelle fut ma surprise lorsqu’il mordit dans le Monti Burger. Il arracha une bougée avec énergie pour la mastiquer vivement. Derrière le comptoir, j'arrivais à épier son visage. Il avait l'air satisfait de notre produit. Heureux, je retournais à la préparation de frites. Quand soudain, j'entendis un cri étouffé. Je me retournai et le vis mastiquer les yeux vides telle une vache. Son teint était passé du rose à pâle. En regardant d'un peu plus près, je vis des bouts du Monti Burger éparpillés sur la table. Étonné, je me dirigeai vers la table avec un essuie et lui dis.

- Avez-vous avalé un bout de travers ?  Le Monti-Burger rend les clients gloutons. Mais de là à s'étrangler. Il ne faudrait tout de même pas exagérer. En une semaine de carrière, je n'avais jamais encore eu le cas. Ce serait bien malheureux de mourir en mangeant chez nous. Quelle publicité vous nous feriez. Enfin, je prends cela comme un compliment. Ne vous inquiétez pas. D'ailleurs, vous savez qu'un asiatique est venu expressément de Piong Yang pour gouter l'un de nos fameux met. Vous rendez-vous compte ?

Je lui fis un clin d’œil très expressif et commença à nettoyer.  A ma surprise, sa réaction fut contraire à ce que j'imaginais. Il ouvrit le pain, pointa du doigt un des hamburgers et cria.

- C'est dégueulasse. C'est de la merdasse. Il y a des asticots dans tes hamburgers. Je...je...tes saloperies hamburgers sont pourris jusqu'à la moelle.

Dans un excès de rage. Il claqua le Monti Burger. Cela me brisa le cœur. Une si belle préparation foutue en l'air par un foutu demeuré. J'étais au bord des larmes. Je tombais à genoux et commençait à sangloter.

- Ce n'est pas possible. Le Monti Burger est une création aussi sacrée que les préceptes religieux. Les produits utilisés pour sa conception sont d'une incomparable minutie. Vous ne pouvez pas vous permettre une telle infamie. Vous m’infligez un énorme choc émotionnel. Vous êtes un suppôt de Satan. Que dis-je. Vous êtes le diable en personne ! Je vous maudis jusqu'à la fin des temps de ce monde de dégénérés. Votre pauvre mère doit être honteuse d'être à l'origine d'un demi-demeuré comme vous. A moins, qu'elle aussi soit une demi-mongolienne. Cela me semble plus plausible d'ailleurs. Les cons engendrent des cons.

J'étais devenu furie. Une bête malfaisante blessée. Mon ego avait pris un sale coup. Bras levés vers le ciel, les poings serrés, je lançai un théâtrale et long

- Pourquoi ? Pourquoiiiiii ? Qu'ai-je donc commis pour mériter un tel blasphème ? Douteriez-vous de la qualité de nos produits au point de les jeter comme de vulgaires déchets ? Vous ne vous en tirerez pas comme cela, c'est moi qui vous le dis. Je vais chercher de ce pas mon 22 long rifle et je vais vous faire avaler votre manque de respect par une multitude de plombs lancés à pleine vitesse dans votre tête de détraqué. Fuyez tant que vous le pouvez. Je suis le terminator de la gâchette. Vous êtes en bien mauvaise posture. Justice sera rendue dans les minutes à venir.

Je me relevais avec vigueur et fit mine de me déplacer pour aller quérir le fusil.

Le gars changea de couleur. Du blanc, il passa au rouge vermillon. Il prit une longue respiration, expira, puis se contracta de partout. Les veines du front gonflaient à vue d'œil. Son coup de dégénérés avait doublé de taille. Il me faisait penser à ces taureaux de foire. Surement, avait-il ingéré des amphétamines durant mon impressionnant discours. Ce dopant lui avait donné du tonus ainsi que de la confiance en lui. J'étais en mauvaise posture. Mon baratin n’avait pas confectionné.

- Tu m’prends pour qui ? Grand con ? Tu m’fais avaler de la putain de merde et tu viens me dire que c'est de ma faute, han ? Tu crois m'embobiner comme ça avec ton discours de bobo crasseux du seigneur de la frite de mes deux valseuses. T’insulte ma mère en plus, sale batard. T'inquiètes pas,  mon flingue est dans ma poche et j'ai de très bonnes relations. J’te donne pas une semaine. Tu saisis le message ?

Son mécontentement s'était transformé en menaces de mort à mon égard. Je tentais de le résonner en lui disant que je n'y étais pour rien. En effet, les milliers de vers contenus dans la fricadelle n'était pas dû à une absence de méticulosité dans le contrôle de la marchandise achetée par ma personne, ou d'un non-respect de la chaîne de réfrigération. S'il fallait s'en prendre à quelqu'un, c'était au fabricant et rien qu'au fabricant. Pas à nous. La mauvaise qualité de la viande devait avoir un rôle important dans cette histoire. Puis il fallait rester réaliste. Les insectes sont la nourriture du futur. Tous les journaux en parlent. D'après eux, c'est une source intarissable de protéine. Rien ne serait plus sain et plus facile à produire que les insectes. En quelques sortes, son expérience fut avant-gardiste. C'était un progressiste. Je ne me dégonflai pas. Je lui expliquai les faits scientifiques avec verve.

- Estimez-vous heureux d'avoir testé une nourriture bourrée de protéine, d’avoir gouté à un met  aussi futuriste. Vous êtes un privilégié et vous venez me ressasser votre dégoût sans vergogne. L'avant-gardisme n'aurait pas d'importance pour vous ? Seriez-vous resté à l'âge de pierre ?

Il se leva, me pointa du doigt et replaça ses lunettes au visage.

- Toi, t’es un sacré malade. Tu sais pas à quoi tu t’exposes. T’as intérêt à accepter.

Il se dirigea vers la sortie, ouvrit la porte, sortit et la claqua violemment. Bras ballant, je dis comme un abruti.

- Le Montishow vous remercie. Bonne journée à vous.

Qu’est-ce que je peux être débile, souvent. Enfin. Il avait quitté le restaurant. Là était le plus important. J’étais étonné par ce qu’il venait de se produire. Le Monti Burger détruit demandait réparation. Dignement, j’allai le récupérer. Je m’accroupis pour ramasser les déchets, et à mon grand étonnement,  je fis la découverte d’une valise noire, se devait être un attaché-case d’homme d’affaire. Problématique car je n’avais vu personne pénétrer avec. Soit. J’avais du pain sur la planche. Je la saisis et la plaça derrière le comptoir. J’aurais l’occasion d’y jeter un œil plus tard. Je revenais à nouveau à la table du méfait pour autopsier le Monti Burger. Je retirai le pain, les garnitures. A le dépecer et à le trifouiller, la sauce me collait entre les doigts. Je saisis aveuglément une serviette apposée sur la table pour me débarrasser de cette rebutante graisse qui s’y était glissée. Je commençais à frotter lentement. La sauce s’étalait sur toute la surface de mes paluches. Le papier n’absorbait pas. Je mis un peu plus de vigueur. Rien n’y fit. Mes mains devenues bleues étaient plus sales encore. J’avais par mesgarde utilisé un document, une feuille A4 lignée. Désormais froissée, percée et devenue indéchiffrable. Je la jetai à la poubelle ainsi que les restes du Monti Burger à l’exception de la viande. L’évier fut le théâtre du désencrassement de mes mains et du steak haché. Je rinçais correctement le tout. De telle sorte à vérifier l’état de la viande par moi-même.

Le constat était édifiant. Il n’y avait aucun vers. Je la retournai dans tous les sens. Et rien. La viande se voulait propre à la consommation. Ce rustre endimanché devait être un affabulateur, un psychopathe adepte de drogues en tous genres. Après la stupéfaction,  je revins à état plus paisible. Mon rythme respiratoire redevint normal. La soirée débutait, je devais être prêt pour le coup de feu. Je nettoyai avec soin la table, le sol, jeta avec regret le reste du Monti Burger à la poubelle. C’était parti pour une soirée mouvementée.

Un petit nombre de clients entra. Je les servis avec grand professionnalisme. Ils s’installèrent et mangèrent goulument mes préparations. Il s’agissait d’une bande d’amis discutant de la vie. Rien de bien spécial. J’écoutais sans réellement prêter attention. La deuxième friteuse était à température. Les pains pré-coupés attendaient  d’être fourrés de fricadelles, merguez, brochettes d’agneaux marinées… La viande à pitta rôtissait sur sa broche verticale achetée d’occasion. Mes parents n’avaient jamais souhaité acquérir de broche. Ils étaient contre les artifices, comme ils le disaient. Pour eux, une friterie se devait de servir des frites en cornet et des brochettes. Rien de plus. Ils étaient réfractaires au changement. Lorsque j’ai repris l’affaire. J’ai modernisé le tout. La concurrence nous avait distancés depuis bien longtemps. Nous allions droit vers la faillite. Notre embarcation coulait depuis la mort de mon père. J’avais 11 ans, j’habitais au-dessus de notre friterie. Ma mère m’engueulait car je n’avais pas rangé ma chambre comme elle me l’avait demandé. Elle puait l’odeur agressive de friture comme chaque fois après une grosse journée de boulot. Les affaires étaient fructueuses. Notre famille était à l’apogée de son art fritural. La période de fêtes de fin d’année décuplait notre chiffre. Pendant deux semaines mes parents avaient engagés trois étudiants.  La journée avait été faste. Le tiroir-caisse était rempli à ras-bord. Les étudiants étaient repartis. Mon père était en train d’éteindre les friteuses. Moi, j’étais couché entrain de penser aux prodigieux cadeaux posés au pied du sapin. Quand tout à coup, un grand boum me fit sursauter. 

J’entendis ma mère descendre en trombe dans les escaliers. Le bâtiment avait tremblé. Je tirai la couverture pour me recouvrir entièrement. La technique de l’autruche ne fonctionnait pas. Fuir ne sert à rien. Ma mère cria, hurla furieusement. Les cris s’amplifiaient oscillant  DECRIRE BRUIT CUISINE. . Mon père était mort. Il avait été tué. J’en étais sûr ! Epris d’un courage venu du fond de mes tripes. Je descendis à toutes jambes. En aucun cas, ma famille devait faire face aux coups durs sans moi. Il fallait que je leur porte secours. Mais face à l’horreur, il n’est pas aisé de jouer au héro. Tout était détruit. Les deux mains devant la bouche, les yeux écarquillés, je vis une voiture encastrée dans la cuisine de la baraque friture.  Ma mère tirait les jambes de mon père. Mon papa, poussé par la voiture, avait basculé dans l’énorme friteuse dont l’huile était encore bouillante. Ma maman mettait toute ses forces dans l’espoir de le désincarcérer. J’étais glacé. Impossible de réagir. Plus elle criait, plus l’envie de bouger me remplissait. J’hésitais. Je fis un pas en avant pour en faire deux en arrière. Déjà à l’époque, j’étais spectateur de ma vie. Jamais je ne prenais part. Jamais je ne donnais mon avis. Je me contentais d’observer et de prendre des coups. J’intériorisais. Je gambergeais………………………………………………………………………………………… Sans aucune aide, ma mère parvint à le contre-balancer. Il tomba net par terre, désarticulé comme un pantin, méconnaissable. La macabre sortie de mon père du bain d’huile déforma le visage de ma mère. La blancheur de sa peau ébloui la pièce. Un incroyable contraste avec la couleur de mon père. Eberlué, je scrutais le corps noircit. Il fumait de partout. Littéralement carbonisé, mon papa était méconnaissable. Je fis un pas en arrière pour m’accouder au chambranle de la porte.

Dès cet instant, béat,  je fis la découverte de la mort violente, accidentelle, la mort odieuse, sale, sans aucune compassion. Je n’avais pas encore idée de ce que cela allait impliquer. Les plèbes animés de bons-sens totalement factices tenteraient de donner du soutien à ma maman. Bien après la venue des ambulances, de la police, de la presse et des badauds.



La police vint tout le tralalalalal. Ah oui, j'avais oublié de te dire. Ce jour-là mon état était émotionnellement très chargé surtout au niveau de l'alcool et de drogues. En fait, j'étais salement bourré, drogué...ce qui ne joua pas en ma faveur lors de mon interpellation et de mon procès. Nul n'est parfait mais ça tu le sais déjà




zachtistka ; expédition punitive
 

 Montishow Burger. Cours l'acheter !

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Attention à toi, les écureuils qui disent des conneries. Je les bouffe comme des chips bien croquants !